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sherlock holmes - Page 4

  • Le Chien des Baskerville (2/2) : du livre... au(x) film(s)

    4494337552_457314d50f_m.jpgSuite de la première partie consacré à l'adaptation du roman de Conan Doyle.

    Le Holmes de Basil Rathbone est très fidèle, dans ses lignes de dialogues comme dans son attitude générale, au génial détective des récits de Conan Doyle. Précis, affûté, il n’en oublie pas moins d’agir en être humain. Cette caractéristique est prise en défaut chez Terence Fisher, où l’inusable Peter Cushing offre son visage à Holmes. Plus dur, plus sec, il met une distance constante entre lui et les personnes qui l’entoure. De même, la relation qu’il entretient avec Watson est bien moins chaleureuse, moins maître/élève et plus maître/domestique.

    Ainsi, la séquence initiale dans laquelle Holmes se sert de la canne pour faire passer un test de déduction à Watson est tout à la gloire de Holmes, qui devine tout en un clin d’œil, alors que la version de 1939 retranscrit ce passage quasiment mot à mot dans le texte. Les retrouvailles de Watson et Holmes, en mileu de film, seront là aussi empreinte d’une certaine dureté (Holmes reprochant tout de suite à son compagnon de ne pas être auprès de Sir Henry pour veiller sur lui), alors que dans la version de 1939, Holmes montre sa joie de retrouver son ami, par un échange de questions / réponses drôle et raccord avec le personnage, même si le dialogue ne pré-existe pas au film. Holmes n’apparaît pas déguisé dans cette séquence, alors que c’est bien le cas dans le livre et donne lieu à une méprise de plus. Fisher  apporte sa contribution à l’histoire, en multipliant les quiproquos, les méprises entre personnages, dont le roman fait déjà état à trois reprises ; mais son scénariste va se permettre d’en rajouter. D’abord la fille Stapleton qui interpelle Watson sur la lande en croyant parler à Sir Baskerville, puis la découverte d’un corps sans vie, identifié une première fois sur la foi de ses vêtements, puis une seconde : ce n’est pas celui qu’on croyait ! De même, la figure longiligne qui arpente les flancs de la lande ne sera pas une tête inconnue... Ensuite, de façon inédite, c’est Sir Henry Baskerville qui va prendre Holmes et Watson pour les responsables de l’hôtel où il est descendu, puis plus tard Frankland qui croit que Holmes est là pour réparer son télescope ; un jeu de dupes où tout le monde n’est pas celui que l’on croit... Grâce à ces changements, le scénariste accentue les faux-semblants et le trouble qui règne quant la résolution de l’affaire.

    Si l’on ne s’étonne pas de voir certaines péripéties supprimées par des contraintes budgétaires et de temps de projection (dans les deux films, Laura Lyons, fille du vieux Frankland et maîtresse de Stapleton, disparaît totalement, ainsi que le commissaire Lestrade, qui vient en aide au duo dans la dernière partie du livre), l’ajout d’aspects tout à fait étrangers au livre sont déconcertants : dans le premier film, on note l’apparition d’un nouveau personnage, la femme du docteur Mortimer, médium aux yeux écarquillés et menaçants, qui va nous offrir une séance de spiritisme. Le film montre quand même par ce biais l’ambiance fantastique du récit, et confronte l’idéologie scientifique à celle des croyances occultes de façon encore plus physique que dans le livre. Cependant, ce personnage s’ajoute à la liste déjà longue des mines patibulaires du film (le couple Barrymore, ici renommé Barryman, tout en œillades théâtrales, le professeur Mortimer). Les Stapleton sont ceux qui ont le droit au plus de changement : frère et demi-sœur ou père et fille, alors que le livre nous les peint en frère et sœur ; de même, Frankland, le vieil homme un peu fou (il poursuit n’importe qui en justice pour des aberrations) qui surveille tout sur la lande avec sa longue-vue, devient dans le film de Terence Fisher un pasteur qui se passionne pour les insectes et autres petits animaux. Il prend ici les caractéristiques échues à Stapleton dans le roman. Des contractions (plusieurs personnages deviennent un) à l’éclatement (des répliques dites par une personnes sont redistribuées pour d’autres), en passant par la substitution -l’épisode du fiacre est remplacé par "le coup de l’araignée" dans le film de Fisher-, le travail d’adaptation est visible et parfois étonnant. Il est nécessaire, ne serait-ce que pour distribuer un peu plus largement les cartes pour que Holmes et Watson ne restent pas seuls dans l’action, ce qui est tout de même le cas dans le livre. Le simple fait que Watson soit le narrateur suffit à prendre conscience du caractère très concentré du livre, en terme de personnages, même si la galerie complète est plus étoffée que dans les films. Et si, par ailleurs, des péripéties seront supprimées (contraction de temps, deux nuits devenant une seule), et d’autres ajoutées (Holmes prisonnier dans l’antre de la bête, la séance de spiritisme), cette version réalisée par Sidney Lanfield est bien plus fidèle que celle de Fisher.

    Fisher pose clairement sa marque dans sa version de 1959 : le récit de la légende, montrant Si Hugo de Baskerville poursuivre dans la lande une jeune fille qu’il avait préalablement enlevée, commence par des violences commises sur un vieil homme pauvre, entourés par des nobles s’esclaffant et buvant du vin. Si la troupe existe dans le roman, cette persécution en est absente, et préfigure le début de La nuit du Loup-Garou, réalisé deux ans plus tard par le même Fisher : un clochard y est le jouet d’une bande nobles. On retrouve ainsi la connotation sociale chère au réalisateur.
    Du côté de l’image, ceux qui connaisse le travail de Terence Fisher chez la Hammer ne seront pas dépaysés : costumes flamboyants, cheveux tirés à quatre épingles, décor de studio et effets spéciaux voyants, donnant à voir un vrai monde de cinéma. Gros plans de personnages enfiévrés s’accompagnent de plans larges sur la lande, moins mystérieuse ceci dit que dans le noir et blanc brumeux du premier film. Là, les techniques de tournage sont certes différentes -on préfère alors des plans américains, voire prenant le personnage de pied en cap, s’adaptant plus facilement au format 1.33-, mais l’aspect quasi mythologique de la lande, avec ces vestiges du néolithique et ses frontières qui s’effacent dans le lointain, sont absolument superbes et indépassables.

    Livre royal, films tous aussi intéressants, Le Chien des Baskerville est le récit de Doyle le plus souvent porté à l'écran : on en est aujourd'hui à 24 adaptations. Souvenez-vous en : lorsque les ténèbres tombent sur la lande, ne vous aventurez pas sous peine de rencontrer le monstre de l'enfer !

    Pour tous ceux qui s'intéressent au personnage de Holmes, visitez l'excellent site de la Société Sherlock Holmes de France

  • Le Chien des Baskerville (1/2) : du livre... au(x) film(s)

    4493663235_0cacb54fe2_m.jpgInaugurons aujourd’hui une nouvelle rubrique, consacrée à l'analyse comparée d’un livre et de son adaptation cinématographique. Et, comme on ne fait pas les choses à moitié, autant confronter deux adaptations du Chien des Baskerville de Conan Doyle : la première aventure cinématographique jouée par le duo Basil Rathbone / Nigel Bruce en 1939, et celle réalisée au sein de la Hammer Film par Terence Fisher quelque vingt ans plus tard. Démarre donc du même la chronique de l’intégrale Sherlock Holmes incarnée par Basil Rathbone, soit 14 films de 1939 à 1946.

    Survient au 221 b Baker Street une affaire tout à fait fantastique : la perpétuation d’une ancienne légende sur la famille des Baskerville, qui s’est allégée de beaucoup de membres de façon bien étrange. Le dernier en date, Sir Charles Baskerville, porteur d’une grande fortune, meurt littéralement de peur, le visage figé dans une grimace inhumaine. Au cœur de cette malédiction, une bête monstrueuse qui terrorise le territoire de Dartmoor, dans le Devonshire, au sud-ouest de l’Angleterre.

    Opposition entre légende, superstition, croyance populaire pour l’aspect fantastique du chien et science du détail, rigueur de l’observation pratique en la personne de Sherlock Holmes. La confrontation des deux idéologies prend corps, dans le livre, entre les deux personnages de Holmes et Mortimer. Mortimer est, tout comme Watson, médecin, donc enclin à la rationalité. Cependant, à l’intérieur du seul Mortimer, se battent les deux conceptions, lui qui croit pourtant à la légende. Les films exploiteront d’ailleurs cette dualité, la version de 1939 lui inventant un intérêt particulier dans le spiritisme. Le livre organise aussi cette confrontation entre deux mondes, en opposant l’univers citadin de Londres et la lande ténébreuse de Dartmoor, à laquelle sera attribuée plusieurs qualificatifs ayant trait à l’étrange, la faisant constamment vibrer d’un souffle presque humain. La lande est un vrai personnage, ô combien important, qui façonne à lui seul l’ambiance du récit.

    Le chien des Baskerville est le troisième roman sur Sherlock Holmes écrite par Conan Doyle. Il est, pour grande partie, mené par Watson qui, sur l’injonction de Holmes, accompagne Henry Baskerville, le dernier descendant de la lignée, au manoir familial. Véritable disciple de Holmes, il applique les infaillibles méthodes de déduction de son ami pour démêler le vrai du faux, la superstition des faits. Le livre fait d’ailleurs partie des récits que Watson retranscrit pour le public : c’est donc lui le "je" du livre. Or, dans la version de 1939, qui marque aussi le premier épisode de la série interprété par Basil Rathbone et Nigel Bruce, ce dernier apporte uniquement la dimension comique du film. Watson ne joue, là encore, que son équipier, gouailleur et l’air constamment ahuri ; il n’est d’ailleurs cité qu’en quatrième rang au générique, et Rathbone au second, alors que le duo occupera par la suite le haut de l’affiche. L’acteur restera principalement fameux pour cette interprétation, en décalage total avec le personnage littéraire, et incarnera plus tard le même type de sensibilité, expansif et enfantin, dans Soupçons d’Alfred Hitchcock.

    C’est en fait  Henry Baskerville (Richard Greene) le véritable premier rôle du film, qui s’approprie plusieurs des actions de Watson dans le livre. Le scénario déplace quelques enjeux, saucissonnant Watson dans son rôle de pitre, faisant la part belle au séducteur qu’est Henry Baskerville. La 20th Century Fox ne comptait pas, au départ, faire une série de films sur Sherlock Holmes ; après deux films, c’est d’ailleurs Universal qui reprendra le flambeau pour douze épisodes, réalisés entre 1942 et 1946.

    La suite par -> ici !

  • Sherlock Holmes (2010)

    Un film de Guy Ritchie

    4375339481_0613149e8a_m.jpgDire qu’on n’a jamais vu Sherlock Holmes comme ça relève d’un understatement tout british, ce qui est plutôt de circonstance. Revu et corrigé par Guy Ritchie, le réalisateur d’Arnaques, crimes et botanique (1998) et Snatch (2000), le plus fin des détective devient une action star à part entière, secondée par le bon docteur Watson, lui aussi plus hot que sa traditionnelle version vue jusqu’alors.

    Sherlock Holmes millésime 2010 est un buddy movie on ne peut plus classique, saupoudrée du style Ritchie : dialogues en forme de partie de ping-pong continue, rythme d’enfer -ici soutenu par une musique gitane au tambour battant signée Hans Zimmer-, mouvement d’appareils amples et rapides. Les déductions vitesse grand V du grand Holmes participent d’ailleurs à cette course contre la montre que semble s’être lancé le réalisateur. Le spectateur n’a alors pour lui que de suivre le tortueux chemin dans l’esprit de Holmes, restant pendu aux lèvres du détective qui lui dévoile ce qui s’est vraiment passé. Cela va tellement vite que, parfois, Ritchie doit revenir à deux fois sur la même séquence pour le spectateur accepte (Holmes en champion de boxe) ou comprenne (Irène sort de l’appartement de Holmes et Watson) la situation. Le film opère alors comme le révélateur des tours de magie de Holmes, ici vénéré comme un prestidigitateur. Héros moderne, invincible, Holmes devient dans le corps de Downey Jr. un vrai Iron Man in London, avec les mêmes particularités anti-héroïque (alcoolique, maladif, ...). Les traits de la personnalité de Holmes semblent ainsi disparaître derrière tout un attirail de bons mots, de vitesse à grands renforts d’action (par ailleurs tout à fait distrayant).

    Bon film comme pourrait l’être un Arme Fatale 5, Sherlock Holmes aurait pu prendre un autre héros pour personnage principal que cela n’aurait pas changé grand-chose. Inutile pour autant de bouder notre plaisir, le film se tient et est magnifié par la photo de Philippe Rousselot -La forêt d’Émeraude (John Boorman, 1985), Et au milieu coule une rivière (Robert Redford, 1992), Entretien avec un Vampire (Neil Jordan, 1994), Big Fish (Tim Burton, 2003). Avec une affiche prometteuse et un duo d’acteur qui s’en renvoient de belle (n’omettant pas, au passage, l’inévitable sous-texte homosexuel), le Sherlock Holmes de Ritchie, s’il n’est pas fidèle à son modèle, est un divertissement tout ce qu’il y a de plus plaisant.